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Nomah pratique l’art à cœur ouvert et les tréfonds charnels de nos secrètes extases sont pour lui un formidable terrain de chasse.
Nomah, aux origines mêlées du corps et de l’univers, ajoute l’investigation souterraine et aventureuse d’une anatomie spectrale, jubilatoire et prodigieuse, un rien hallucinée.
Martial Hamon est d’abord cardiologue urgentiste, fasciné par le fonctionnement interne et externe de l’humain. Pour soigner, il œuvre à vif, via l’intelligence de la main, sur des artères en mouvement, celles qui vont plus tard oxygéner sa peinture. « À travers mes voyages professionnels, j’ai pu voir les grandes œuvres des musées ». On ne s’étonne pas de le voir apprécier Dado et Bacon. Collectionneur et peintre autodidacte, il a choisi Nomah comme nom d’artiste.
On a maintenant affaire à un prodigieux fouilleur d’organes virulents, à un formidable bousilleur de repères visuels. Il envoûte nos profondeurs habitées et sauvages, dans l’âpre profusion de leur étendue. Il ne laisse passer qu’une savoureuse et transgressive densité anatomique qui aurait avalé tous les signes intraorganiques dits « normaux ». Nomah est un maître en secousses vitales. Dans une civilisation écrasée de technologie, il garde le contact avec les pulsions premières, les siennes et les nôtres, quand la modernité les dévie de leurs sources naturelles et les bafoue. « Ce qui m’intéresse, c’est la vulnérabilité de la condition humaine de l’homme en détresse. » Animalité viscérale de l’animal humain, brûlante comme un spasme, sous les miroirs fabriqués des trop belles apparences.
DANS LES LABYRINTHES DU DEDANS
Sidéré, le spectateur devient le voyeur obligé d’un spectacle interdit, celui des affres et des sources du dedans inavoué, en dépit d’une très subtile et doucereuse séduction chromatique. Chirurgien d’âme, Nomah navigue à vif dans l’imaginaire ébloui et scabreux de nos entrailles. Il ne fait que peindre à découvert, à cru, et sans anesthésie mentale. Au centre indéfini des chairs latentes et broyées d’extrême vie, toute sa peinture tressaille, insidieuse et envoûtée. « Le vrai travail, c’est la matière. » Chez Nomah, elle est chargée, chamanisée, érotisée au profond. Les organes s’emmêlent et les couleurs sont fouillées au scalpel. Elles sont toujours belles, presque trop belles, et même parfois écrasées, comme pour masquer la violence inhérente au corps fragile, liée à la destruction possible de l’humanité. Nomah part d’un fond chromatique insondable et global qu’il complexifie lentement, couche après couche, « après observation du premier degré de l’effet créé ». S’ajoute étrangement l’écho subtil de paysage, de bestiaire, voire de portrait, toujours « dans la haine de la violence ».
Sous la peau, et l’énigme de ses lointains, règne le monde bleu et aqueux des origines. Sous la peau, et ses mystérieuses douceurs, obscènes et rosées, se dévoile un intense magma d’art et de vie. La création d’un corps-univers.
Texte de Christian Noorbergen